Récits d’Aventures: 3 mois de traversée en Atlantique sur un voilier
Lorsque j’ai rencontré M. début 2013, il s’apprêtait à partir en mer pour une traversée de 3 mois en voilier au départ de La Rochelle avec comme destination : les Îles Vierges, puis le continent Américain. Son but était de vivre une aventure inoubliable avant de s’installer aux Usa pour y travailler. C’est ainsi qu’à peine une semaine après notre rencontre, il est parti sur l’océan. Cette histoire aurait pu s’arrêter là, mais l’amour a fait que quelques mois plus tard, à peine arrivé aux Caraïbes, il prit un vol pour Boston, Dublin et enfin, Paris ! Quelle histoire romantique me direz-vous, pourtant, j’ai la chance de pouvoir dire qu’elle est on ne peut plus vraie. Je vais donc vous raconter, non pas notre histoire, mais son histoire lors de cette aventure sur l’eau…
Le jour où un ami de longue date de ses parents, ancien Capitaine au Long-Court, lui proposa d’embarquer sur son voilier pour traverser l’océan, M. ne put qu’accepter avec joie. Ce rêve d’enfant de devenir pirate et naviguer sur un voilier comme dans l’Île au Trésor prenait des airs de réalité avec la route qu’ils empruntaient pour se rendre aux Caraïbes. Mais avant toute chose, quelques travaux sur le bateau devaient être réalisés dans le chantier naval, puis à flots, celui-ci étant tout neuf. Il commença donc par travailler quelques semaines à l’installation de ce dont ils auraient besoin une fois en mer. J’eu la chance d’être présente lors d’une sortie en mer afin de tester le matériel et s’entraîner aux manœuvres avant le grand départ.
Puis, le jour fatidique des adieux arriva… Que de larmes des deux côtés, car quand on part pour ce genre de traversée, on sait qu’un mauvais temps ou un accident peuvent être fatal. On ne peut pas non plus vraiment prévoir de date d’arrivée car le vent est parfois capricieux et un voilier, contrairement à la chanson, « ça n’a pas de jambes quand ça va sur l’eau ! » C’est ainsi qu’ils sont partis à quatre (le capitaine, son frère, un de ses amis et M.), en début d’après-midi, et que, restée à quai, j’agitais la main les voyant s’éloigner à l’horizon.
En mer, les communications sont restreintes. Le téléphone portable ne passe qu’à proximité des côtes, mais naviguer trop près est dangereux, voir interdit selon les pays. Le soir même se finissait notre dernière communication pour les jours à venir. De son côté, M. commençait son apprentissage de la navigation, car oui, c’était son premier long voyage en mer (bien qu’expérimenté). Il était donc apprenti skipper, aux ordres du capitaine qui, heureux de sa nouvelle recrue, lui enseignait tout ce qu’il savait. Malheureusement pour eux, ce premier morceau de route ne fut pas de tout repos… Etant en février, le temps n’était pas clément et ils durent essuyer (affronter) une tempête lorsqu’ils approchèrent des côtes Espagnoles. Des creux de vagues de 5 mètres, des vents à 90km/h avec des pics à 120km /h, une voile qui se déchire… ce fut à M. de grimper en haut du mât lorsqu’elle s’y enroula, afin de la décrocher pour éviter qu’elle ne fasse chavirer le bateau ! Pendant ce temps, le capitaine se fêlait les côtes en tombant sur une poupée… et le lendemain, M. se faisait écraser la main par la baume.
Mauvais départ. Ils durent donc s’arrêter à Cascais, dans la banlieue de Lisbonne au Portugal, afin de réparer le bateau et soigner les blessés. Après un passage à l’hôpital pour le capitaine qui, vieux loup de mer qu’il était, ne se laissa pas abattre par ses côtes fêlé et ayant posé un bandage autour de celles-ci était repartit, ils se mirent à l’œuvre pour recoudre la voile. Ils prirent néanmoins le temps de flâner un peu dans les rues de la ville afin d’en apprécier la beauté, et se repaître d’un bon repas dans un restaurant. Deux jours plus tard, ils repartaient… lorsque le propulseur d’étrave se mit en vacances…
Pour ceux qui l’ignorent, un propulseur d’étrave permet de faciliter les manœuvres lors de l’amarrage ou au contraire, du désamarrage. Ce sont de petites hélices rotatives qui permettent de rapprocher le bateau du quai ou au contraire, de l’en éloigner latéralement. Plus pratique lorsque celui-ci fait 15 mètres comme celui qu’ils avaient. Qu’à cela ne tienne, ils quittèrent le port sans, et poursuivirent tout leur voyage de même.
Cette fois-ci, ils partaient en direction de Las Palmas aux Îles Canaries, où ils devaient récupérer à l’aéroport, le filleul du capitaine qui les accompagnaient pour la suite du voyage. Ce trajet fut plus agréable, bien qu’une nouvelle petite tempête aux vents de 70km/h se montra, ils l’anticipèrent davantage et purent même profiter de celle-ci pour surfer sur les vagues avec le voilier. Les jours suivants, ils rencontraient pour la première fois de leur voyage, un petit groupe de dauphins qui se mit à jouer dans les vagues avec le bateau. Arrivés à bon port, ils profitèrent des plages de sable fin, accueillirent le cinquième voyageur et firent quelques provisions avant de reprendre la mer pour Le Cap Vert.
Le long des côtes Mauritaniennes, ils croisèrent la route d’autres dauphins, tortues de mer, méduses et baleines. Les levers et couchers de soleil étaient de toute beauté et ils arrivèrent doucement sur le dernier archipel avant la grande traversée. Ils mouillèrent donc dans une baie proche d’un village de pêcheurs et descendirent dans le zodiac afin de rejoindre la plage. La mer était un peu agitée et à proximité de la cote, une vague énorme les fit se retourner ! Après ce bon petit bain, bien qu’imprévu, ils se prélassèrent sur le sable avant de se rendre au village, découvrir le lieu et rencontrer les locaux.
Cette première nuit sur place, alors que chacun était couché, un bruit de moteur les alarma. En sortant sur le pont, ils découvrirent qu’un groupe de jeunes garçons leur avait volé le zodiac ! Ils les voyaient sur la plage en train de démonter le moteur, et ni une ni deux, M. et le capitaine se jetèrent à l’eau pour rejoindre la côte à la nage et réclamer leur bien. Ils arrivèrent à temps pour récupérer le zodiac, malheureusement, le moteur avait déjà disparu et par le plus grand des hasards, personne sur place ne savait où il se trouvait… bien sûr. Suite à cet incident, ils décidèrent de rejoindre la marina de Praia, la capitale, afin d’éviter une mise en danger inutile suite à cette escale périlleuse.
Arrivés au port, ils rencontrèrent Oscar, un local d’une gentillesse sans pareille qui fut leur guide pour les jours à venir. Le midi même, il les invita à goûter la cuisine Cap-Verdienne dans le restaurant tenu par sa cousine et le soir, les emmena dans une rhumerie artisanale aménagée dans un cabanon. Ils achetèrent du rhum local et de la mélasse, puis, proposèrent à leur guide de la « déguster » à bord avec des produits français : saucissons et fromages, une première pour Oscar. Le lendemain, ils firent la rencontre d’un couple de navigateurs qui venaient régulièrement au Cap Vert et décidèrent de dîner tous ensemble le soir même, invitant leur guide dans un restaurant où le homard délicieux ne coûtait que 5€ !
Le jour suivant, le repas ne fut pas une si belle réussite… le capitaine qui était allé acheter du rhum avant de repartir en mer, s’arrêta prendre du pain et un couscous déjà préparé. Ils prirent donc le large, aux alentours de midi, faisant route vers les alizés, un vent porteur qui les mèneraient droit jusqu’aux Caraïbes. Lorsque l’heure du dîner sonna et qu’il fut temps de goûter au dit couscous, certains furent étonnés de constater que pour des os de mouton, ils étaient bien minces… Quelle fut leur surprise lorsqu’ils découvrirent avec dégoût, une petite mâchoire ressemblant à celle d’un chat… Bien que choqués, ils avaient faim et ayant déjà commencé à manger, finirent ce plat qui cachait un bien triste secret.
Ils étaient maintenant en plein océan Atlantique, partis pour traverser jusqu’aux Caraïbes tels les explorateurs de jadis. A mesure qu’ils s’éloignaient des côtes, l’environnement changeait totalement. M. ayant été désigné pour faire les quarts de nuit (c’est lui qui veillait au bon fonctionnement du navire et sa navigation lorsque tout le monde dormait), il eut la chance de voir des ciels étoilés où chaque constellation était visible, aucune lumière artificielle n’étant présente. Il put également assister à l’illumination des eaux par le plancton le soir venu, un peu comme dans le film « La Vie de Pi », et vit également une baleine s’en repaître… La journée, ils croisèrent la route de bancs de poissons volants chassés par des dauphins, ils en attrapèrent même un ! Et durant une partie de pêche où ils avaient laissé trainer un filet à l’arrière du voilier, ils virent des orques se frotter à la coque, attirés par le poisson. Ils s’empressèrent de remonter leurs filets, ne craignant que l’un d’eux ne s’y accroche et les entraine dans les fonds. Bien qu’assistant à un spectacle magnifique, ils n’étaient pas très rassurés car les orques sont connus pour s’attaquer aux bateaux, les prenant parfois pour des rorquals.
Au bout d’une semaine, ils vécurent quelques jours de calme plat. Aucun vent, aucune vague, pas un bruit… Le voilier étant statique, ils profitèrent de ces moments pour le nettoyer, se baigner, bronzer et se détendre. Mais ayant besoin du vent pour avancer, ils craignaient que cela ne dure trop longtemps. La nuit, on ne distinguait pas le ciel de l’eau, les étoiles se reflétant dans l’océan, un sentiment d’inquiétude s’emparait parfois d’eux, comme s’ils étaient perdus entre deux mondes. Heureusement pour eux, quelques jours plus tard, le vent revenait, un peu fort d’ailleurs, ce qui leur permit de reprendre la route. Ils devaient rationner un peu plus la nourriture après cet arrêt imprévu et c’est au bord de la disette qu’ils gagnèrent les côtes de Saint-Barth aux Caraïbes, après deux semaines complètes en pleine mer.
Quelle joie d’arriver enfin et pouvoir manger un bon repas ! Ils profitèrent pleinement de ce repos bien mérité et des plages sublimes de l’île, bien qu’ayant un peu le « mal de terre » suite à tout ce temps passé sur l’eau… Quelques jours plus tard, ils reprenaient la barre pour atteindre leur destination finale : les Îles Vierges. Après 3 mois passés en mer, la peau brûlée par le sel et le soleil, ils étaient heureux à la fois d’avoir pu vivre cette expérience inoubliable, mais aussi de pouvoir rentrer chez eux et revoir leurs familles respectives. Ce voyage avait été éprouvant physiquement et moralement de par la difficulté de vivre à cinq dans un petit espace et effectuer les réparations et manœuvres relatives au bon fonctionnement d’un voilier de 15 mètres. Ce qui est sûr, c’est que tous en gardent un souvenir mémorable.
« THE END »
Quelques questions à M. :
Quel est ton plus beau souvenir de cette traversée ?
La vision des baleines se nourrissant du plancton luminescent durant la nuit.
Le pire ?
Le calme plat.
Qu’as-tu retenu de cette traversée ?
C’est une expérience à vivre dont vous ressortez grandit. Cela permet de repousser ses limites et se rendre compte que l’on est vraiment tout petit dans cet univers.
Et vous ? Avez-vous vécu une expérience similaire ? Aimeriez-vous également traverser l’Atlantique en voilier ?
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7 commentaires
mistigriffe
Ca me fait complètement rêver …
tracesdevoyages
C’est effectivement, aujourd’hui encore, un des plus beaux souvenirs de M. 🙂
Delphine
Merci pour cet article que j’ai pris beaucoup de plaisir à lire ! J’ai appris pleins de choses sur la vie à bord d’un voilier et j’ai tout particulièrement apprécié cet article qui sort de l’ordinaire car j’avais un peu l’impression de lire une jolie nouvelle ! 🙂
tracesdevoyages
Merci beaucoup pour votre commentaire, nous sommes très heureux que l’article vous ai plut. Effectivement, la catégorie dont il fait partie « Récits d’Aventures » a été créée pour relater des moments vécus en voyage de façon narrative, comme s’il s’agissait d’une petite histoire. Le but est que le lecteur s’imprègne de l’action et se projette dans le lieu avec le narrateur ou le sujet. Si vous avez aimé celle-ci, n’hésitez pas à lire les autres articles de cette catégorie qui devraient vous plaire 🙂
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